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jeudi 8 novembre 2012 à 20h30

L'égalité en colère : discriminations et inégalités (classes, "races", sexe)

Conférence-débat avec Saïd Bouamama et Jessy Cormont, sociologues, PHARE pour l'Égalité.

À partir des années 1980-1990, nombre d'observateurs ont affirmé d'une part, la « fin de l'histoire » (Fukuyama, 1992) et la disparition des classes populaires et ouvrières et des conflits de classe (Tourraine, 1984), et d'autre part, la moyennisation de la société (Mendras, 1988). Nous serions toutes et tous de « classe moyenne » et aurions accès à la société de consommation et à « l'american way of life ». Autant dire le rêve… Or, non seulement les classes moyennes sont inférieures en nombre (25%) aux classes populaires (60% de la population) (Chauvel, 2004), mais les inégalités entre classes sociales sont toujours criantes, et ont explosé ces 30 ans dernières années.

La puissance des inégalités et des injustices s'illustre notamment par l'accroissement des inégalités sociales de santé entre classes populaires et classes supérieures. Les premières sont sur-exposées aux maladies, aux invalidités et à une mortalité prématurée, tandis que les secondes bénéficient d'avantages systémiques dans tous les domaines de la vie sociale (économique, culturel, politique, symbolique) se traduisant également par un privilège sur le plan de la santé (Aïach, 2010). Les cadres vivent 6 ans de plus que les ouvriers, 8 ans de plus sans incapacités, et 10 ans de plus sans problèmes sensoriels ou physiques (Ined, 2008). Pour reprendre les mots de l'Organisation Mondiale de la Santé : « l'injustice tue à grande échelle » (OMS, 2008), mais les forces vives de la société (pouvoirs publics, professionnel-les, partis politiques, syndicalistes, associatifs, etc.) peinent à agir pour réduire les inégalités.

La question sociale est d'autant plus brûlante que celle-ci ne s'aurait être limitée aux seules « inégalités de classe ». En effet, les inégalités sexistes et racistes sont une composante essentielle des inégalités de classe. Quelques statistiques mesurées en France permettent de l'entrevoir : les études sur les discriminations racistes ont montré qu'en France, 4 fois sur 5 un employeur préfère embaucher un candidat-e Blanc-he qu'un-e candidat Noir-e ou Arabe (B.I.T. & D.A.R.E.S., 2007) ; à Paris (Châtelet) un Noir a 11.8 fois plus de chance d'être contrôlé qu'un Blanc et 14,8 fois plus pour un Arabe (Jobart & Levy, 2009); une femme sur dix déclare avoir déjà subi des violences domestiques (ENVEF, 2000) sans parler du harcèlement sexuel et sexiste et des viols présents dans tous les milieux sociaux y compris les classes moyennes et les classes supérieures (Delphy, 2012) ; les femmes sont sur-exposées à la précarité : 80% des personnes en situation de sous-emploi sont des femmes (CORIF, 2008) en même temps qu'elle sont exploités collectivement dans la sphère domestique en assurant près de 90% du travail domestique (Delphy, 2012) ; la mortalité maternelle dans les maternités françaises est 5.5 fois supérieures pour les femmes Noires d'origine Africaine Sub-saharienne par rapport aux femmes Blanches de nationalité françaises (Deneux-Tharaux, 2009). Trop rares sont les acteurs professionnel-les, bénévoles, ou militant-es, à être formé-es aux rapports sociaux racistes et aux rapports sociaux de sexe et de genre, ainsi qu'à leur entrecroisement avec les rapports sociaux de classe. Plus que jamais il est nécessaire de bien prendre la mesure des inégalités dans leur pluralité de classe, de « race » et de sexe sous peine de passer à côté, d'une part, des chances de transformation concrètes de la donne égalitaire, et d'autre part, de la certitude que ce qui a été fait peut être défait.

L'égalité est en colère, elle hurle sur le seuil de toutes politiques publiques et de tous les citoyen-nes. C'est aussi pour cela que de novembre 2005, dans plus de 400 quartiers populaires, jusqu'au récent mois d'août 2012 à Amiens en Picardie, les « quartiers » s'enflamment parfois. Il est des alertes qu'on ne peut ignorer indéfiniment.

dans le cadre de la semaine de formation et d'éducation populaire organisée par P.H.A.R.E. pour l'Égalité et Le Pavé avec Ch'faid du 02 au 10 nov. 2012.

Source : message reçu le 26 octobre 14h